Depuis des dizaines d’années, la consommation de vin par habitant baisse (21L par habitant en 1960 contre seulement 7L aujourd’hui), une évolution du marché qui implique des changements socio-économiques majeurs sur tout le territoire national. Une premiumisation de l’offre, tout d’abord, qui se traduit par la mise en avant d’une production plus qualitative que quantitative avec la diminution des surfaces de vignes cultivées comme dans le Languedoc par exemple ou les arrachages de vignes se sont multipliés ces dernières années. Mais également une fragmentation de l’offre qui se manifeste notamment par la priorité donnée aux productions locales, aux circuits courts. Ainsi, aujourd’hui, l’objectif est de valoriser les productions qualitatives locales ou de proximité. Ces deux tendances sont communes à d’autres produits de consommation comme la bière par exemple avec l’explosion du phénomène des micro-brasseries.
La montée en puissance de la prise de conscience écologiste et ses impacts
Lors des dernières élections européennes, nous avons assisté à la montée en puissance des courants politiques écologistes, une tendance qui se confirme également auprès des consommateurs comme l’attestent les derniers chiffres de l’IFOP : en 1998, seulement 7% des français déclaraient acheter très régulièrement des produits alimentaires bio contre 8% en 2000 et 20% en 2019. La prise de conscience écologiste est donc collective et implique une restructuration complète de la filière. De nouveaux acteurs apparaissent, comme les biocoop par exemple, et on assiste à l’émergence d’une marché bio solvable.
Quels sont les impacts de cette prise de conscience sur la filière ?
Le 1er impact à mettre en avant, est la montée en puissance des modes de viticulture biologique mais également la pression accrue exercée sur la filière pour exiger des changements de pratiques sur les pesticides et les traitements notamment. À l’avenir, les émissions de type « Complément d’enquête » vont se multiplier et leur écho sera de plus en plus important.
La persistance de la culture du vin dans un contexte de changement civilisationnel
Au-delà de ces tendances, M. Fourquet précise que nous avons assisté à des changements plus profonds ces dernières années qui ont des impacts directs sur nos repères, notre univers, nos cultures et il est donc important de se demander comment la culture vin peut se créer une place face à ces changements civilisationnels.
Tout d’abord, la vigne a un rapport évident à la terre mais toute une partie de la population n’a plus de racines rurales, le monde paysan n’évoque plus grand chose pour une grand partie de la population. Cela a donc des incidences sur nos manières de communiquer : des pratiques qui semblaient évidentes doivent être réexpliquées ou présentées de manière très pédagogique car, aujourd’hui, l’univers agricole, et donc viticole, est très hermétique pour une majorité de la population.
Ensuite, il est important de parler, de la montée en puissance de nouveaux courants dans notre société. Les courants animaliste et végan, tout d’abord, qui prennent de plus en plus de poids et qui engendrent des pressions fortes sur la filière agricole et des changements de comportements avec de nouvelles pratiques alimentaires, de nouveaux règlements juridiques ou encore de nouveaux choix politiques. Une tendance renforcée par l’action des associations, de type lobby. Le développement majeur d’un discours hygiéniste, ensuite, est aussi à mettre en exergue comme on le voit actuellement avec le Dry January. Selon M. Fourquet, cela peut aller très vite comme on l’a vu avec le tabac qui il y a encore des dizaines d’années était distribué gratuitement aux militaires par l’Etat et qui est aujourd’hui totalement à prescrire. Enfin, l’enracinement en France de la culture du « pétard » représente un phénomène sociétal majeur. En effet la distribution du cannabis structure, elle aussi, en profondeur des territoires entiers. Les millénials, grands consommateurs, y cèdent en lieu et en place de la consommation de boissons alcoolisées. Ainsi, la France de demain sera aussi bien portée sur le pétard que l’étaient les anciens sur le pinard.
Dernière tendance à ne pas négliger, en 50 ans, la France est devenue une société multi-culturelle comme le démontre une récente étude des prénoms donnés aux enfants qui naissent. Ainsi, en 1960, 1% des enfants qui naissaient portaient un prénom arabo-mulsuman contre 20% aujourd’hui. Or ce changement démographique de fond a un impact direct sur l’activité et les tendances de marché et impliquent des changements socio-démographiques et culturels profonds comme la consommation d’alcool par exemple.
Toutes ces évolutions de natures diverses et éparses sont à prendre en compte pour évaluer les opportunités et les risques pour la filière viticole à l’avenir. Nous sommes une communauté héritière et porteuse de toute une culture et si l’ensemble de la société n’évolue pas sur les mêmes codes que nous, ces changements auront forcément une incidence sur notre activité.
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