Michelle Bouffard (auteur, critique, journaliste), tout d’abord, est l’instigatrice du Tasting Climate Change, un symposium réunissant des experts à travers le monde pour discuter des enjeux mais aussi échanger sur les solutions possibles face à ce changement climatique.
Lors de la 2ème édition de ce symposium, qui a eu lieu les 12 Novembre dernier, plusieurs statistiques ont été mises en avant :
1) Aujourd’hui, les émissions de gaz à effets de serre représentent l’équivalent de 500.000 bombes Hiroshima qui explosent chaque jour pendant toute l’année.
2) Le niveau de CO2 relâché dans l’atmosphère a atteint un record historique dans le monde.
3) 2018 est la 42ème année consécutive pendant laquelle la température mondiale à dépassé la moyenne de 27,7 degré et le mois de Juillet 2019 est le mois le plus chaud jamais enregistré dans l’histoire du monde.
Michelle Bouffard assure donc qu’il n’y a aucun effet positif au changement climatique et qu’il est trop tôt pour connaître toutes les conséquences réelles de ce dernier. Mais on note déjà une migration vers le Nord du vignoble et on assiste de plus en plus à des feux dans les vignoble comme en Californie, en Australie mais aussi en Espagne, dans le Priorat, ou dans le Douro, des vignobles pourtant plus « résistants ». Il faut 9 litres d’eau en moyenne pour produire un verre de vin or l’eau va devenir la prochaine guerre. Elle précise aussi que les choix des cépages est primordial et qu’on assiste aujourd’hui à la réintroduction de cépages du Moyen-Age, cépages qui seront peut-être ceux du futur.
Bertrand Chatelet, Responsable technique des vins du Beaujolais, est à la tête d’une structure qui expérimente et cherche des solutions. Il oeuvre aussi à l’Institut Français de la Vigne et du Vin qui travaille au quotidien sur ces sujets comme la manière dont la filière par son activité peut rejeter moins de CO2 et autres gaz à effets de serre. Il cherche également toutes les solutions d’adaptation à mettre en œuvre en fonction du terroir et lieu. Il précise les dires de Michelle Bouffard en ce que le vignoble remonte en latitude mais aussi en altitude ce qui permet de limiter les effets du changement climatique car on gagne en température. Avec les contraintes de certains vignobles, cette migration n’est pas possible. Il faut donc s’adapter localement avec son cadre de contraintes et avoir des solutions propres.
Lilian Bérillon, pépiniériste agricole, a une approche différente du marché classique. En tant que fils de paysan, il a appris sur le tas et a été rapidement confronté à des vignerons qui voyaient leurs vignes dépérir. Après avoir réfléchi sur le sujet, il s’est rapidement rendu compte que ce phénomène était étroitement lié aux conditions climatiques et à la fragilité du végétal. Il a donc travaillé pour assurer une diversité, une résistance dans le vignoble pour une viticulture de qualité, en opposition à la viticulture de masse. Selon lui c’est au vigneron de réfléchir sur sa viticulture, de considérer son terroir, de faire ce boulot. Aujourd’hui ce qui tue l’agriculture et la viticulture, c’est le manque de biodiversité. La plupart des viticulteurs ne connaissent pas la viticulture mais leur vignoble, ils sont donc en demande d’échanges, de réflexions, d’exemples, de techniques, etc. La viticulture est peut-être allée trop vite et a oublié certains gestes, certaines pratiques ancestrales. Enfin, face aux changements climatiques, de nouvelles régions souhaitent développer la viticulture comme en Bretagne notamment où on repart totalement à zéro en connaissant la situation actuelle, les erreurs du passé et leurs conséquences.
Il existe plus de 7000 variétés dans le conservatoire mondial des cépages, rappelle également Bertrand Chatelet, et on travaille également sur la création de nouveaux cépages plus robustes, mais ceux-ci ne pourront être une solution que sur le long terme. Il y a donc plusieurs leviers à actionner pour faire face aux changements climatiques comme les cépages bien sûr mais également les pratiques dans la vigne. A chacun d’aller choisir ses solutions propres ! L’INAO a d’ailleurs proposé de créer une nouvelle catégorie de cépages : les cépages à des fins d’adaptation climatique ou environnementale.
Mais boira-t-on toujours du vin en 2050 ? Pour Michelle Bouffard, le consommateur va devoir accepter de consommer mieux et moins. Les viticulteurs vont quant-à eux penser à réduire leur empreinte carbone. On ne peut pas boire/produire toujours ce qu’on veut, et il y a des choses qu’on ne peut plus faire aujourd’hui. Le consommateur va se poser plus de questions quand il achètera une bouteille et utilisera les informations à sa disposition comme les labels ou les étiquettes. Selon Bertrand Chatelet, une démarche nationale est déjà en marche pour aller vers des pratiques plus vertueuses d’économie solidaire. Enfin, Lilian précise que c’est une problème global et que tous les vignobles sont concernés autant par le changement climatique que par le dérèglement climatique avec la croissance des catastrophes naturelles. La rigidité du cadre réglementaire, notamment pour le système des AOCs, n’est pas idéal et Bertrand explique pourquoi certains viticulteurs sortent du cadre pour tenter de nouvelles choses. Mr Bérillon insiste sur l’importance de connaître notre histoire, l’histoire de nos vignes et qu’il faut retrouver ces gestes oubliés, arborer un vignoble qui favorise la biodiversité et surtout ne pas perdre notre mémoire, nos racines. Enfin pour Bertrand Chatelet, nous aurons toujours la capacité à produire et à consommer du vin en 2050 mais est-ce que la société l’acceptera ?
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